Depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la République Démocratique du Congo est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs.
Cette contestation a pris un relief particulier avec les guerres qui ont déchiré le pays de 1996 à 2003.
En vue de mettre fin à cette crise chronique de légitimité et de donner au pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués de la classe politique et de la Société civile, forces vives de la Nation, réunis en Dialogue-inter congolais, ont convenu, dans l’Accord Global et Inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une nouvelle Constitution démocratique sur base de laquelle le peuple congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants, au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles.
A l’effet de matérialiser la volonté politique ainsi exprimée par les participants au Dialogue inter-Congolais, le Sénat issu de l’Accord Global et Inclusif précité, a déposé, conformément à l’article 104 de la Constitution de la transition, un avant-projet de la nouvelle Constitution à l’Assemblée nationale qui l’a adopté sous-forme de projet de Constitution soumis au référendum populaire.
La Constitution ainsi approuvée s’articule pour l’essentiel autour des idées forces ci-après :
1. DE L’ETAT ET DE LA SOUVERAINETÉ
Dans le but d’une part, de consolider l’unité nationale mise à mal par des guerres successives et, d’autre part, de créer des centres d’impulsion et de développement à la base, le constituant a structuré administrativement l’Etat congolais en 25 provinces plus la ville de Kinshasa dotées de la personnalité juridique et exerçant des compétences de proximité énumérées dans la présente Constitution.
En sus de ces compétences, les provinces en exercent d’autres concurremment avec le pouvoir central et se partagent les recettes nationales avec ce dernier respectivement à raison de 40 et de 60 %.
En cas de conflit de compétence entre le pouvoir central et les provinces, la Cour constitutionnelle est la seule autorité habilitée à les départager.
Au demeurant, les provinces sont administrées par un Gouvernement provincial et une Assemblée provinciale. Elles comprennent, chacune, des entités territoriales décentralisées qui sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie.
Par ailleurs, la présente Constitution réaffirme le principe démocratique selon lequel tout pouvoir émane du peuple en tant que souverain primaire.
Ce peuple s’exprime dans le pluralisme politique garanti par la Constitution qui érige, en infraction de haute trahison, l’institution d’un parti unique.
En ce qui concerne la nationalité, le constituant maintient le principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise.
2. DES DROITS HUMAINS, DES LIBERTES FONDAMENTALES ET DES DEVOIRS DU CITOYEN ET DE L’ETAT
Le constituant tient à réaffirmer l’attachement de la République Démocratique du Congo aux Droits humains et aux libertés fondamentales tels que proclamés par les instruments juridiques internationaux auxquels elle a adhéré. Aussi, a-t-il intégré ces droits et libertés dans le corps même de la Constitution.
A cet égard, répondant aux signes du temps, l’actuelle Constitution introduit une innovation de taille en formalisant la parité homme-femme.
3. DE L’ORGANISATION ET DE L’EXERCICE DU POUVOIR.
Les nouvelles institutions de la République Démocratique du Congo sont :
- le Président de la République ;
- le Parlement ;
- le Gouvernement ;
- les Cours et Tribunaux.
Les préoccupations majeures qui président à l’organisation de ces institutions sont les suivantes :
C’est pourquoi, non seulement le mandat du Président de la République n’est renouvelable qu’une seule fois, mais aussi, il exerce ses prérogatives de garant de la Constitution, de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale, de la souveraineté nationale, du respect des accords et traités internationaux ainsi que celles de régulateur et d’arbitre du fonctionnement normal des institutions de la République avec l’implication du Gouvernement sous le contrôle du Parlement.
Les actes réglementaires qu’il signe dans les matières relevant du Gouvernement ou sous gestion ministérielle sont couverts par le contreseing du Premier ministre qui en endosse la responsabilité devant l’Assemblée nationale.
Bien plus, les affaires étrangères, la défense et la sécurité, autrefois domaines réservés du Chef de l’Etat, sont devenus des domaines de collaboration.
Cependant, le Gouvernement, sous l’impulsion du Premier ministre, demeure le maître de la conduite de la politique de la Nation qu’il définit en concertation avec le Président de la République.
Il est comptable de son action devant l’Assemblée nationale qui peut le sanctionner collectivement par l’adoption d’une motion de censure. L’Assemblée nationale peut, en outre mettre en cause la responsabilité individuelle des membres du Gouvernement par une motion de défiance.
Réunis en Congrès, l’Assemblée nationale et le Sénat ont la compétence de déférer le Président de la République et le Premier ministre devant la Cour constitutionnelle, notamment pour haute trahison et délit d’initié.
Par ailleurs, tout en jouissant du monopole du pouvoir législatif et de contrôle du Gouvernement, les parlementaires ne sont pas au-dessus de la loi ; leurs immunités peuvent être levées et l’Assemblée nationale peut être dissoute par le Président de la République en cas de crise persistante avec le Gouvernement.
La présente Constitution réaffirme l’indépendance du pouvoir judiciaire dont les membres sont gérés par le Conseil supérieur de la magistrature désormais composé des seuls magistrats.
Pour plus d’efficacité, de spécialité et de célérité dans le traitement des dossiers, les Cours et Tribunaux ont été éclatés en trois ordres juridictionnels :
- Les juridictions de l’ordre judiciaire placées sous le contrôle de la Cour de cassation ;
- celles de l’ordre administratif coiffées par le Conseil d’Etat, et
- la Cour constitutionnelle.
Des dispositions pertinentes de la Constitution déterminent la sphère d’action exclusive du pouvoir central et des provinces ainsi que la zone concurrente entre les deux échelons du pouvoir d’Etat.
Pour assurer une bonne harmonie entre les provinces elles-mêmes d’une part, et le Pouvoir central d’autre part, il est institué une Conférence des Gouverneurs présidée par le Chef de l’Etat et dont le rôle est de servir de conseil aux deux échelons de l’Etat.
De même, le devoir de solidarité entre les différentes composantes de la Nation exige l’institution de la Caisse nationale de péréquation placée sous la tutelle du Gouvernement.
Compte tenu de l’ampleur et de la complexité des problèmes de développement économique et social auxquels la République Démocratique du Congo est confrontée, le constituant crée le Conseil économique et social, dont la mission est de donner des avis consultatifs en la matière au Président de la République, au Parlement et au Gouvernement.
Pour garantir la démocratie en République Démocratique du Congo, la présente Constitution retient deux institutions d’appui à la démocratie, à savoir la Commission électorale nationale indépendante chargée de l’organisation du processus électoral de façon permanente et le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication dont la mission est d’assurer la liberté et la protection de la presse ainsi que de tous les moyens de communication des masses dans le respect de la loi.
4. DE LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE
Pour préserver les principes démocratiques contenus dans la présente Constitution contre les aléas de la vie politique et les révisions intempestives, les dispositions relatives à la forme républicaine de l’Etat, au principe du suffrage universel, à la forme représentative du Gouvernement, au nombre et à la durée des mandats du Président de la République, à l’indépendance du pouvoir judiciaire, au pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle.
Telles sont les lignes maîtresses qui caractérisent la présente Constitution.
Depuis l’entrée en vigueur, le 18 février 2006, de la Constitution de la République Démocratique du Congo, le fonctionnement des institutions politiques tant centrales que provinciales a fait apparaître des situations concrètes, des contraintes et des problèmes non prévus par le constituant originaire.
En effet, d’une part, certaines dispositions se sont révélées handicapantes et inadaptées aux réalités politiques et socio-économiques de la République Démocratique du Congo. D’autre part, des dysfonctionnements imprévus par le constituant originaire sont apparus dans la vie des institutions de la République tant au niveau national que provincial.
La présente loi a pour finalité de donner des réponses adéquates aux problèmes posés aux institutions de la République depuis le début de la première législature de la IIIème République afin d’assurer le fonctionnement régulier de l’Etat et de la jeune démocratie congolaise.
Dès lors, il ne s’agit pas de procéder à un ajustement constitutionnel qui remettrait en cause les options fondamentales levées par le constituant originaire, notamment en matière d’organisation du pouvoir d’Etat et de l’espace territorial de la République Démocratique du Congo.
Dans cette perspective, la présente révision concerne les huit articles indiqués ci-après sur les 229 que compte la Constitution :
Le Sénat a proposé ;
L’Assemblée Nationale a adopté ;
Le peuple congolais, lors du référendum organisé du 18 au 19 décembre 2005, a approuvé ;
Le Président de la République promulgue la Constitution dont la teneur suit :
Nous, Peuple congolais,
Uni par le destin et par l’histoire autour de nobles idéaux de liberté, de fraternité, de solidarité, de justice, de paix et de travail ;
Animé par notre volonté commune de bâtir, au cœur de l’Afrique, un Etat de droit et une Nation puissante et prospère, fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle ;
Considérant que l’injustice avec ses corollaires, l’impunité, le népotisme, le régionalisme, le tribalisme, le clanisme et le clientélisme, par leurs multiples vicissitudes, sont à l’origine de l’inversion générale des valeurs et de la ruine du pays ;
Affirmant notre détermination à sauvegarder et à consolider l’indépendance et l’unité nationales dans le respect de nos diversités et de nos particularités positives ;
Réaffirmant notre adhésion et notre attachement à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, aux Conventions des Nations Unies sur les Droits de l’Enfant et sur les Droits de la Femme, particulièrement à l’objectif de la parité de représentation homme-femme au sein des institutions du pays ainsi qu’aux instruments internationaux relatifs à la protection et à la promotion des droits humains ;
Mû par la volonté de voir tous les Etats Africains s’unir et travailler de concert en vue de promouvoir et de consolider l’unité africaine à travers les organisations continentales, régionales ou sous-régionales pour offrir de meilleures perspectives de développement et de progrès socio-économique aux Peuples d’Afrique ;
Attaché à la promotion d’une coopération internationale mutuellement avantageuse et au rapprochement des peuples du monde, dans le respect de leurs identités respectives et des principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque Etat ;
Réaffirmant notre droit inaliénable et imprescriptible de nous organiser librement et de développer notre vie politique, économique, sociale et culturelle, selon notre génie propre ;
Conscients de nos responsabilités devant Dieu, la Nation, l’Afrique et le Monde ;
Déclarons solennellement adopter la présente Constitution.
Tout jugement est écrit et motivé. Il est prononcé en audience publique.
Le droit de former un recours contre un jugement est garanti à tous. Il est exercé dans les conditions fixées par la loi.
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
Toute personne a le droit de manifester sa religion ou ses convictions, seule ou en groupe, tant en public qu’en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques, l’accomplissement des rites et l’état de vie religieuse, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui.
La loi fixe les modalités d’exercice de ces libertés.
Toute personne a droit à la liberté d’expression.
Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs.
Toute personne a droit à l’information.
La liberté de la presse, la liberté d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garanties sous réserve du respect de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui.
La loi fixe les modalités d’exercice de ces libertés.
Les médias audiovisuels et écrits d’Etat sont des services publics dont l’accès est garanti de manière équitable à tous les courants politiques et sociaux. Le statut des médias d’Etat est établi par la loi qui garantit l’objectivité, l’impartialité et le pluralisme d’opinions dans le traitement et la diffusion de l’information.
La liberté des réunions pacifiques et sans armes est garantie sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs.
La liberté de manifestation est garantie.
Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air, impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente.
Nul ne peut être contraint à prendre part à une manifestation.
La loi en fixe les mesures d’application.
Tout Congolais a le droit d’adresser individuellement ou collectivement une pétition à l’autorité publique qui y répond dans les trois mois.
Nul ne peut faire l’objet d’incrimination, sous quelque forme que ce soit, pour avoir pris pareille initiative.
Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés publiques et des bonnes mœurs.
La preuve de l’illégalité manifeste de l’ordre incombe à la personne qui refuse de l’exécuter.
Le domicile est inviolable. Il ne peut y être effectué de visite ou de perquisition que dans les formes et les conditions prévues par la loi.
Toute personne qui se trouve sur le territoire national a le droit d’y circuler librement, d’y fixer sa résidence, de le quitter et d’y revenir, dans les conditions fixées par la loi.
Aucun Congolais ne peut être ni expulsé du territoire de la République, ni être contraint à l’exil, ni être forcé à habiter hors de sa résidence habituelle.
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et au secret de la correspondance, de la télécommunication ou de toute autre forme de communication. Il ne peut être porté atteinte à ce droit que dans les cas prévus par la loi.
Tout étranger qui se trouve légalement sur le territoire national jouit de la protection accordée aux personnes et à leurs biens dans les conditions déterminées par les traités et les lois.
Il est tenu de se conformer aux lois et aux règlements de la République.
Le droit d’asile est reconnu.
La République Démocratique du Congo accorde, sous réserve de la sécurité nationale, l’asile sur son territoire aux ressortissants étrangers, poursuivis ou persécutés en raison, notamment, de leur opinion, leur croyance, leur appartenance raciale, tribale, ethnique, linguistique ou de leur action en faveur de la démocratie et de la défense des Droits de l’Homme et des Peuples, conformément aux lois et règlements en vigueur.
Il est interdit à toute personne jouissant régulièrement du droit d’asile d’entreprendre toute activité subversive contre son pays d’origine ou contre tout autre pays, à partir du territoire de la République Démocratique du Congo.
Les réfugiés ne peuvent ni être remis à l’autorité de l’Etat dans lequel ils sont persécutés ni être refoulés sur le territoire de celui-ci.
En aucun cas, nul ne peut être acheminé vers le territoire d’un Etat dans lequel il risque la torture, des peines ou des traitements cruels, dégradants et inhumains.
La loi fixe les modalités d’exercice de ce droit.
La propriété privée est sacrée.
L’Etat garantit le droit à la propriété individuelle ou collective acquis conformément à la loi ou à la coutume.
Il encourage et veille à la sécurité des investissements privés, nationaux et étrangers.
Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité octroyée dans les conditions fixées par la loi.
Nul ne peut être saisi en ses biens qu’en vertu d’une décision prise par une autorité judiciaire compétente.
L’Etat garantit le droit à l’initiative privée tant aux nationaux qu’aux étrangers.
Il encourage l’exercice du petit commerce, de l’art et de l’artisanat par les Congolais et veille à la protection et à la promotion de l’expertise et des compétences nationales.
La loi fixe les modalités d’exercice de ce droit.
Le travail est un droit et un devoir sacrés pour chaque Congolais.
L’Etat garantit le droit au travail, la protection contre le chômage et une rémunération équitable et satisfaisante assurant au travailleur ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine, complétée par tous les autres moyens de protection sociale, notamment, la pension de retraite et la rente viagère.
Nul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de son sexe, de ses opinions, de ses croyances ou de ses conditions socio-économiques.
Tout Congolais a le droit et le devoir de contribuer par son travail à la construction et à la prospérité nationales.
La loi établit le statut des travailleurs et réglemente les particularités propres au régime juridique des ordres professionnels et l’exercice des professions exigeant une qualification scolaire ou académique.
Les structures internes et le fonctionnement des ordres professionnels doivent être démocratiques.
L’Etat garantit la liberté d’association.
Les pouvoirs publics collaborent avec les associations qui contribuent au développement social, économique, intellectuel, moral et spirituel des populations et à l’éducation des citoyennes et des citoyens.
Cette collaboration peut revêtir la forme d’une subvention.
La loi fixe les modalités d’exercice de cette liberté.
La liberté syndicale est reconnue et garantie.
Tous les Congolais ont le droit de fonder des syndicats ou de s’y affilier librement, dans les conditions fixées par la loi.
Le droit de grève est reconnu et garanti.
Il s’exerce dans les conditions fixées par la loi qui peut en interdire ou en limiter l’exercice dans les domaines de la défense nationale et de la sécurité ou pour toute activité ou tout service public d’intérêt vital pour la nation.
Tout individu a le droit de se marier avec la personne de son choix, de sexe opposé, et de fonder une famille.
La famille, cellule de base de la communauté humaine, est organisée de manière à assurer son unité, sa stabilité et sa protection. Elle est placée sous la protection des pouvoirs publics.
Les soins et l’éducation à donner aux enfants constituent, pour les parents, un droit naturel et un devoir qu’ils exercent sous la surveillance et avec l’aide des pouvoirs publics.
Les enfants ont le devoir d’assister leurs parents.
La loi fixe les règles sur le mariage et l’organisation de la famille.